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The Boring Issue
27 juillet 2010

Essai sur les maladies de la tête. K

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Les pulsions de la nature humaine, qui s'appellent passions lorsqu'elles atteignent des degrés importants, sont les forces motrices de la volonté ; l'entendement ne fait que s'y ajouter, en estimant le total de satisfaction de tous nos penchants pris ensemble, et aussi en découvrant les moyens adaptés à cette fin. Si d'aventure une passion est particulièrement puissante, l'entendement est de peu de secours ; car l'homme charmé, qui voit très bien les raisons de s'opposer à son penchant favori, se sent impuissant à les inscrire dans la réalité.

Lorsque ce penchant est bon en lui même, lorsque la personne est, pour le reste, raisonnable, que seule cette dépendance trop lourde obscurcit la vue des conséquences graves, cet état de la raison enchainée, c'est la déraison. Un homme déraisonnable peut avoir de l'entendement ; et, même dans le jugement qu'il porte sur les actes où il déraisonne, il doit encore avoir de l'entendement et un coeur bon pour qu'il soit justifié de nommer avec cette modération ses propres écarts. L'homme déraisonnable peut aller jusqu'à procurer à d'autres un excellent conseiller en sa personne, alors que son conseil est pour lui même sans effet. Il ne reculera que grâce aux dommages, ou par l'effet de l'âge, qui, pourtant, le plus souvent, ne refoule une folie que pour faire le lit d'une autre.

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En revanche, celui qui est sans folie est un sage. ce sage, on peut le chercher, par exemple, dans la lune ; peut être, en ce lieu, est-on sans passion et infiniment raisonnable. L'insensible est protégé contre la déraison par sa bêtise. Aux yeux du commun, pourtant, il fait figure de sage. On raconte que Pyrrhon, sur un bateau pris par l'orage et au milieu de l'activité inquiète de tous, voyant un cochon vider paisiblement son auge, dit en le désignant : "tel doit être le calme d'un sage !" L'homme insensible c'est le sage de Pyrrhon.

Lorsque la passion dominante est, de soi, haïssable et fade en même temps, qu'elle l'est suffisamment pour que ce qui est exactement opposé à la visée naturelle de cette passion soit pris pour sa satisfaction, l'état de l'homme dont la raison est ainsi mise à l'envers est la folie bouffonne. L'être déraisonnable comprend fort bien la visée véritable de sa passion, même s'il lui confère une force qui peut enchaîner sa raison. Le bouffon, au contraire, est rendu si bête par la passion qu'il ne fait que croire posséder ce qu'il désire, alors qu'il s'est ravi à lui même cet objet.

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