Sleepless Night In Paris

Assise en tailleur devant moi Chloé fume une light. Sa corolle blonde pâle s'étale, paresseuse sur le fleuve renversé du canapé. De quelle couleur sont ses yeux, verts, verts lagune, bouteille peut-être. Fragile, elle sourit d'amusement, montre ses dents bleuies par le brouilly, lorsqu'elle me dit qu'elle n'aura jamais d'enfants, les résultats sont arrivés hier, je ne pourrais jamais avoir d'enfants. Elle n'en veut pas de toute façon. Thomas n'en voudra jamais en plus. Tu es d'accord avec moi qu'il n'en voudra, hein ? Thomas n'en voudra jamais. Son corps restera à jamais celui d'une enfant, avec elle s'éteindra sa race, pas celle de sa famille, d'elle il y aura sûrement des chiards du frère ou de sa très jeune soeur, mais de Chloé il ne restera rien après. Je me sers un autre verre en la regardant battre des jambes au dessus du chat. De nous deux, il ne restera rien après, peut-être est-ce qu'elle a vu dans mes yeux et moi dans les siens, auparavant quand, nouveaux l'un à l'autre, nous avions gravités l'un vers l'autre en amas socialement conformes, sans relief et sentiment autre qu'une discrète inclination que les mois convertissaient dès lors en appel, appel dont la nature arrivait à clarté ce soir, de cette reconnaissance réciproque et muette d'une promesse à l'oubli. Tu en veux toi ? Bien sûr que tu en veux, je t'ai vu avec Auguste, ne ment pas. Tu veux bien faire de moi la marraine, la connasse de marraine de Passy qui tapera sur son connard de petit copain qui restera toujours dans sa boite d'ingé-son de merde même vingt après et qui l'emmènera voir nono le petit pigeon heureux au petit théâtre de Saint Germain des Prés ? Je souris un peu gêné en allumant une cigarette, non pas que ne trouvasse l'idée possible, mais je priai en moi-même pour qu'elle disparaisse, cette hypothétique ramification de moi-même, puisse-t-elle être déjà morte, disparue avec mon départ pour Paris. Puisse-t-elle n'avoir jamais existé ou que, pareillement, meure tout souvenir de son passage dans mon esprit ; or il ne resterai rien de nous deux, et l'idée honnie de faillir à l'accomplissement avait déjà fait place à la certitude d'une vie à composer en bouclier d'égoïsme à l'apparence triste afin de flatter l'ego de ceux qui se seront dilués d'hommes et de femmes en mères et pères et qui par échos nous transformerons en oncles et tantes, en parrains ou marraines, lot de consolation, car de consolation il s'agira -de quoi d'autre pourrait-il être question selon la vérité commune- puisqu'il ne peut s'agir que d'un placebo à notre frustration de ne s'être transformés à notre tour en générateurs. Elle rigola et alla chercher la deuxième bouteille de vin.